Lassées et frustrées, les personnes interrogées jugent beaucoup plus sévèrement que nos voisins Allemands les politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics, tout particulièrement dans le domaine vaccinal. Le moral des Français continue de baisser au fur et à mesure des mois et l’impact de cette situation inédite se fait de plus en plus sentir sur le plan psychologique.
Ainsi, un sentiment certain de manque est exprimé par les personnes qui ont cessé totalement ou partiellement de faire appel à des services à domicile, qu’il s’agisse d’auxiliaires de vie, de professionnels délivrant des cours ou de leur femme de ménage.
Pessimistes sur la perspective d’un retour au « monde d’avant », regrettant pour les 2/3 d’entre eux d’avoir perdu un an de leur vie, les Français ont néanmoins pris conscience de l’importance des gestes barrière pour éviter la propagation de maladies contagieuses. À l’avenir, bises et poignées de mains resteront plus rares tandis que le port du masque devrait s’ancrer dans le paysage, notamment pour les personnes souffrantes.
Leurs pouvoirs publics face à la crise : les Français sévères, les Allemands positifs
Plus de 2 Français sur 3 (69%) ont une opinion négative de la politique vaccinale mise en œuvre par le gouvernement, opinion qu’il réitèrent, mais de manière moins marquée, vis-à-vis des masques et des tests. 51% des personnes interrogées estiment en effet que la France n’a pas été à la hauteur des enjeux en matière de fourniture de masques et de tests.

La perception de nos voisins d’outre-Rhin est très différente : 57% des Allemands interrogés ont une vision positive de la stratégie vaccinale, 70% approuvent les mesures prises en faveur des masques et 64% celles relatives aux tests.
Près de la moitié (44%) des Français estiment que le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait « moins bien » que l’Allemagne, contre à peine 28% qui trouvent qu’il a « fait mieux » et 28% « aussi bien » que le gouvernement d’Angela Merkel. 32% de nos compatriotes jugent que la Suède a été plus efficace que la France, 29% que le Royaume-Uni a lui aussi été meilleur, de même que l’Espagne (24%).

Un moral qui s’effrite de plus en plus
12 mois passés sous les contraintes sanitaires, les confinements, le couvre-feu ont usé une large majorité de Français. Ainsi, Ils sont 78% à exprimer un sentiment de lassitude, 74% un sentiment d’impuissance et 74% un sentiment de frustration face à la situation qu’il subissent depuis un an. D’une manière générale, 30% des personnes interrogées qualifient leur moral actuel de « mauvais », un pourcentage qui était de 16% avant le premier confinement et de 20% durant ce premier confinement. Les jeunes de 18 à 24 ans (42%) et les personnes les plus démunies (46%) sont les plus nombreuses à déclarer leur moral en berne.

Il n’est donc guère étonnant de constater une augmentation des troubles du sommeil (46%, soit une augmentation de 2 points par rapport à novembre dernier), des épisodes de stress (40%, + 4 points) ou encore de dépression (22%, +6 points).

Tous ces facteurs ont un impact fort sur le plan psychologique général. Ainsi, 47% des Français estiment leur vie difficilement supportable, dont 10% disent qu’elle est très difficilement supportable.
Les Allemands se portent de leur côté beaucoup mieux puisque 17% seulement jugent leur vie difficilement supportable sur le plan psychologique.

Des services à domicile qui manquent
Une grande majorité de personnes faisant régulièrement appel à des services à domicile déclarent avoir dû y renoncer totalement ou partiellement au cours de l’année écoulée en raison des contraintes sanitaires. C’est le cas pour 79% des employeurs de nounous et baby-sitter, 73% des personnes recevant des cours à domicile, 63% de ceux faisant appel à un professeur de sport ou de musique, ou encore 59% des sondés ayant recours à une femme de ménage.

Le sentiment de manque qui découle de cette absence de visites, qu’il soit fort ou plus modéré, est particulièrement marqué en ce qui concerne les femmes de ménages (77%), les professeurs (76%) et les personnes donnant des cours à domicile (70%), moins en ce qui concerne les auxiliaires de vie (61%), dont une partie a pu continuer à travailler, et les jardiniers (56%).

Plus généralement, 28% des personnes interrogées déclarent n’avoir reçu personne – y compris famille et amis – à leur domicile depuis le couvre-feu généralisé au cours des 3 derniers mois. Une proportion à peine plus élevée que durant le 2e confinement (27%) mais presque trois fois plus forte qu’avant la crise de la Covid-19 (11% en février 2020).

Gestes barrière : les habitudes prises dureront
Même si tous n’y adhèrent pas encore, les Français ont globalement bien compris l’importance des gestes barrière pour éviter la contagion et freiner la propagation de la Covid-19. Avant le début de la crise sanitaire, 91% des Français déclaraient faire la bise pour saluer des amis ou des collègues et 85% serraient la main de ces relations proches. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 39% à faire la bise à des connaissances et 22% à leur serrer la main. La méfiance est largement plus forte à l’égard d’inconnus : seulement 10% serrent aujourd’hui la main à des personnes qu’ils ne connaissent pas contre 75% avant la crise, et 9% continuent à faire la bise à des inconnus contre 40% début mars 2020.

Ces bonnes habitudes, dont on a pu mesurer l’efficacité cet hiver avec une forte diminution des maladies saisonnières (grippe, gastro-entérite, bronchiolite…), dureront-elles lorsque l’épidémie sera derrière nous ? Oui à en croire les personnes interrogées puisque 78% d’entre elles (dont 49% certainement) ne feront plus la bise à des inconnus et 50% éviteront à l’avenir d’embrasser proches et collègues. Les personnes âgées de plus de 65 ans sont les plus enclines à continuer à prendre ces précautions (86% ne feront plus la bise à des inconnus, 66% à des amis ou collègues), les plus jeunes y adhérant dans des proportions moindres (72% n’embrasseront plus d’inconnus, 37% pour les amis ou collègues).

Le port du masque, inconnu dans l’espace public hexagonal avant la Covid-19, semble désormais entré dans les mœurs et ne devrait pas disparaitre de notre quotidien de sitôt puisque 74% des sondés disent qu’ils le porteront probablement ou certainement dans la rue et les transports publics lorsqu’ils seront malades. Plus de la moitié des Français (57%) déclarent par ailleurs qu’ils mettront dans le futur un masque lors de la venue à leur domicile d’une personne extérieure (artisan, services à la personne par exemple), proportion qui tombe – mais reste toutefois élevée – à 35% lors de la visite d’un ami et à 31% s’il s’agit d’un membre de la famille.
Le monde d’après Covid : le même mais en pire pour 76% des Français
76% des Français font leur la phrase de Michel Houellebecq qui déclarait le 4 mai 2020 : « Nous ne nous réveillerons pas, après le(s)confinement(s), dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire ». Et pour 71% des personnes interrogées, il n’y aura jamais véritablement de retour à la normale même lorsque le virus ne sera plus un sujet de préoccupation majeure.

Totalement inédit, l’épisode que nous vivons depuis mars 2020 marquera d’autant plus durablement nos compatriotes qu’ils sont 66% à estimer avoir perdu un an de leur vie. Une affirmation qui grimpe à 75% chez les ouvriers, à 72% parmi les Français les plus pauvres et à 70% chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Toutefois, ils sont 56% à reconnaitre avoir vécu des moments positifs durant le premier confinement, 18% étant tout à fait d’accord avec cette affirmation.
Dans ce contexte, 67% des sondés disent que l’expérience qu’ils sont en train de vivre leur a donné l’envie de changer des éléments de leur vie quotidienne, 34% affirmant que ces changements seront substantiels. Ces virages, petits ou grands, concernent plus particulièrement les 18-34 ans (46%), les dirigeants d’entreprise (57%) et les catégories les plus pauvres (50%). Parmi ces changements, l’envie de déménager est évoquée par 21% des personnes interrogées (avec des pointes à 36% et 33% chez les 25-34 ans et les plus modestes), soit une hausse de 3 points depuis mai 2020. A l’inverse, le télétravail continuera d’être pratiqué après la crise, certainement ou probablement, par 36% d’entre elles (- 3 points par rapport à mai 2020).

6 CHIFFRES CLÉS
- 69% des Français jugent négativement la politique vaccinale mise en place en France.
- 47% disent leur vie difficilement supportable sur le plan psychologique.
- 28% n’ont reçu aucune visite au cours des 3 derniers mois.
- 66% estiment avoir perdu un an de leur vie.
- 78% ne feront plus après la crise la bise à des inconnus pour se présenter.
- 34% ont envie de changer leur vie quotidienne de manière substantielle.
Vous pouvez télécharger via ce lien, le PDF reprenant l’intégralité de l’enquête, ainsi qu’une infographie illustrant les chiffres clés via ce lien.
Le point de vue de Gautier Jardon, chargé d’étude confirmé à l’Ifop
Au regard des résultats de cette enquête, la comparaison entre la France et l’Allemagne sur la gestion de l’épidémie de Covid est assez cruelle pour le gouvernement d’Emmanuel Macron. En échappant à un confinement strict et un couvre-feu national et durable, la société allemande a semble-t-elle évité également le traumatisme collectif qui a largement affecté la société française au cours des douze derniers mois. Les autorités allemandes se sont notamment distinguées par une stratégie de tests et de fourniture de masques plus rapide, une offre beaucoup plus forte de lits de réanimations et un débat public plus apaisé. Conséquence logique, les ravages psychologiques du coronavirus sont bien moindres de l’autre côté du Rhin, imputables aux différences de gouvernance médical, administrative et politique.